En ces temps de doute et de réflexion, il est toujours bon d’avoir un livre sur lequel s’appuyer. Un livre posé sur le bord de notre chevet dans lequel l’on puisse se plonger pour échapper -oh bonheur- à l’angoisse terrible du prochain livre à écrire, à l’horreur absolue du monde dans lequel nous évoluons, à cet anéantissement programmé du bon sens et de la raison.
Je reprends donc les livres dans ma bibliothèque et mon cœur, si lourd, s’allège un peu. Je reprends espoir parce que je me dis que s’il y a du mauvais et de la merde, il y a aussi beaucoup de beauté et beaucoup de poésie posée sur ces milliers de pages, alors… oui ! Gardons espoir.
Parce que quand je prends Le journal de Bridget Jones de Helen Fielding et que je lis : “Il suffit de se laisser aller quelques jours pour se retrouver en jachère. Il m’arrive de me demander ce que ça donnerait si je retournais à l’état de nature – barbe et moustaches en forme de guidon de bicyclette sur chaque tibia, sourcils à la Groucho Marx, cimetière peaux mortes sur visage, boutons en éruption, longs ongles recourbés de Pierre l’Ebouriffé, aveugle comme une chauve-souris, triste spécimen d’humanité sans lentilles, flaccidité absolue des chairs molles et étalées. Beurk, beurk.” Je suis tordue de rire.
Quand j’ouvre Nadja d’André Breton et que je relis les premières phrases : “Qui suis-je ? Si par exception je m’en rapporte à un adage : en effet pourquoi tout ne reviendrait-il pas à savoir qui je ‘hante’?” je reste perplexe et épatée par ce superbe début de roman, parce que oui, si tu me dis qui tu hantes, je te dirais qui tu es… Bref. Il y a du bon je vous dis. Il y a même du très bon.
Et je ne fais que commencer.
Je m’attarde sur l’Alchimiste de Paulo Coelho parce que vraiment, j’aurais aimé l’écrire cette phrase : “Je t’aime parce que j’avais fait un rêve, puis j’ai rencontré un roi, j’ai vendu des cristaux, j’ai traversé le désert, les clans sont entrés en guerre, et je suis venu près d’un puits pour savoir où habitait un Alchimiste. Je t’aime parce que tout l’Univers a conspiré à me faire arriver jusqu’à toi.” Que rajouter de plus ? Parfait.
Mon regard tombe sur Les Contemplations de Victor Hugo, que l’on aime ou pas la poésie, on ne peut pas rester insensible :
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Et puis j’enchaîne, le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry et j’ai envie de pleurer : “Regardez le ciel. Demandez-vous :”Le mouton oui ou non a-t-il mangé la fleur ?” Et vous verrez comme tout change… Et aucune grande personne ne comprendra jamais que ça a tellement d’importance !”
J’arrive au recueil de Louis Aragon Les yeux d’Elsa et je me dis que j’aimerais qu’on écrive un jour un poème sur mes yeux :
Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire
J’ai vu tous les soleils y venir s’y mirer
S’y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire
Enfin voici le tour du livre que j’aurais aimé écrire Les âmes brûlés d’Andrew Davidson : “Puis elle a fait face à la mer et elle est entrée tranquillement dans l’océan. L’eau est montée le long de ses jambes, de son dos, a bientôt englouti les ailes tatouées sur sa peau d’albâtre. Elle s’est couchée sur l’onde et a nagé vers l’immensité de la mer, ses cheveux noirs et emmêlés flottant derrière elle comme une traîne.”
J’attrape ensuite Les Hauts de Hurlevents d’Emily Brontë et je reste stupéfaite par la force de ce roman noir et presque métaphysique. Il y a de la passion, de la tempête, de la noirceur dans les âmes et en même temps une grande lumière.
Et il y a encore tant d’autres livres qui se dressent devant moi comme en bouclier contre la morosité. De La nuit des temps de Barjavel, aux Nourritures Terrestres d’André Gide, en passant par Corps et Biens de Robert Desnos et Bonjour tristesse de Françoise Sagan, le Chasseur Zéro de Pascale Roze, Dracula de Bram Stocker, Expiation de Ian McEwan, Harry Potter de J. K. Rowling, The Eyre Affair de Jasper Fforde, L’amour au temps du choléra de Gabriel Garcia Marquez, Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan, et il ne faut pas oublier les livres de Jane Austen, Honoré de Balzac, Franz Kafka, Léon Tolstoï, William Shakespeare et William Faulkner, Virginia Woolf, Gustave Flaubert, Ernest Hemingway, Homère, Marcel Proust, Marguerite Duras… pff et la liste est si longue qu’il me faudrait des jours pour tout nommer…
Ah, quand je pense à tout ça, à ce volume colossal de mots et de pensées assemblés pour notre plus grand plaisir et nos plus beaux voyages, je respire mieux.
Il y a de la bonté, de la poésie, du rire, de l’imagination, et surtout du génie dans ce monde.
Il faut juste s’en rappeler pour combattre les ténèbres.