Chers fans de ma princesse machiavélique, je partage avec vous un petit chapitre écrit au début de l’été. Le bonheur de retrouver Agnès et Anne-Laure (aka Annette)….
Bonne lecture à tous et magnifique journée.
Lily
*
Journée d’été – rue des étoiles, Rockcity, Californie
Annette remonta l’allée de cailloux du jardin, suivie de près par Flipper, le chien teint en rose de la maison complètement épuisé du footing de sa maîtresse. Il n’en pouvait plus de la suivre dans tous ses sports. N’avait-elle pas fait du VTT le matin-même ? Et puis il l’avait accompagnée au skate parc aussi, et ensuite ils avaient joué dans le sable, et il ne pouvait pas lutter parce que ça le rendait trop heureux de ramener ce foutu bâton à sa petite Annette, mais en même temps, sa langue s’allongeait dangereusement jusqu’à pendre par terre. Il n’aspirait qu’à une seule chose, boire deux litres d’eau et s’avachir sur le lit de sa maîtresse.
Elle le précéda dans le vestibule et appela vivement :
— Agnèèèèèès ! ?
Une voix lui répondit aussitôt sortant tout droit du salon, très aiguë, signe de stress intense chez la princesse de la maison :
— Par iciiiii !
Flipper flippa. Oh non !… Il voulait juste tremper sa gueule dans l’eau jusqu’à plus soif et aller dormir.
Pas elle, pas encore la folle avec ses mille problèmes imbuvables car insolubles. Et puis dans le salon, avec Machiavel, il y aurait les chats, suppôts de Satan à fourrure non teintée qui le prenaient de haut.
À regret, Flipper dut suivre les baskets d’Annette, qui fonçaient vers le salon. Comment pouvait-elle encore tenir debout ?
*
Annette se figea net.
Le spectacle que lui offrait sa sœur valait une photo (à poster le jour de son anniversaire sur les réseaux sociaux).
Agnès, en nuisette de coton (celle aux nounours roses), était avachie sur le canapé, son
ordinateur portable allumé sur ses genoux. Des paquets vides de cookies aux noix de pécan l’entouraient, un énorme pot de glace Ben and Jerry’s fondait sur le tapis d’orient et une tasse de café froid traînait sur la table basse.
En entendant sa sœur arriver, elle releva la tête et Annette poussa un cri :
— Agnès, c’est quoi ce délire, t’es malade ?
Fait extrêmement rare, Agnès n’était pas maquillée et ses cheveux dorés se brouillaient en nœuds sur le haut de son crâne.
— Oh, ma sœur, s’exclama-t-elle les yeux brillant de joie. Tu es enfin de retour !
Elle se redressa, décolla de sa cuisse un papier de sucette et posa son ordinateur sur la table près d’elle.
— C’est la loose, Annette.
Annette soupira et se laissa tomber sur le canapé.
Flipper, qui la suivait de près, traîna les pattes jusqu’au coin de la cheminée et s’affala sur le parquet, d’avance mort d’ennui et très contrarié de voir les suppositoires à poils dormir sur les fauteuils de velours.
Annette attrapa le pot de glace et y planta la cuillère posée sur la table basse. Elle avait besoin de reprendre des forces si elle devait encore psychanalyser Agnès :
— Bon, allez, dis-moi tout…
Agnès inspira profondément pour se recentrer. Elle ne devait pas céder à la panique. Elle
s’éclaircit la gorge et déclara d’une voix contenue :
— Je cherche à faire un cadeau d’anniversaire à Nabuchodonosor.
Silence.
Annette resta muette un petit moment. Cette phrase n’avait aucun sens pour elle. Comme
souvent à chaque plongée dans le monde de sa sœur, elle restait perplexe.
Elle hocha la tête et demanda :
— Tu veux faire un cadeau d’anniversaire pour quel fucking dinosaure ?
Agnès bondit aussitôt sur ses pieds, vexée que sa sœur se moque d’elle :
— Pas dinosaure ! Na-bu-cho-do-no-sor !
— C’est ce que je viens de dire !
— Pas du tout, Nabu est mon correspondant babylonien…
— Babylone ? WTF ? s’étonna Annette en léchant la glace sur le dos de la cuillère.
Agnès leva les yeux au ciel et soupira :
— … Cherche pas, tu ne peux pas comprendre. Bref, c’est bientôt son anniversaire, et je n’ai aucun cadeau parce qu’évidemment je m’y prends toujouuuurs au dernier moment ! C’est la panique et en plus, il faut que je le lui envoie par avion-cargo parce qu’il habite loin…
— À Babylone, donc… Dans un appartement avec terrasse et jardin suspendu ?
— Sois sérieuse !
Annette éclata de rire. Elle adorait voir son aînée partir dans tous les sens :
— Zen…
— Tu m’exaspères à être toujours zen et Bouddha…, vraiment… Tu pourrais paniquer un
instant avec moi, ça me ferait du bien…
— Nope. Paniquer, c’est pas mon genre. Ça fait des nœuds, voire des trous dans l’estomac. Et quand je vois la tête que tu as, je vais m’en passer de ta panique… Tu ne veux pas plutôt que je t’aide ? Parce que sans vouloir te descendre, faire des cadeaux, c’est pas vraiment ta tasse de thé, ou alors il est comme toi, trop infusé.
— Pardon ? s’écria Agnès choquée comme si on lui soutenait que les extraterrestres
n’existaient pas (évidemment qu’ils existent, ils sont verts avec de grands yeux bizarres!). Je suis super forte en cadeaux, c’est juste que je suis incomprise, c’est tout !
— Passons.
— S’il te plaît, oui.
— OK. Bon, alors ton Nabu, il aime quoi ?
Agnès prit un petit air supérieur et annonça fièrement :
— Il aime les chiens !
Annette fit la moue :
— Hum, c’est cool, un bon point pour Nabu.
— N’est-ce pas ? C’est signe de tendresse d’aimer les chiens…
— Dire que tu n’as jamais pu sentir Flipper, murmura Annette se secouant la tête, navrée.
Agnès, toujours très centrée sur elle, ne fit pas attention à sa dernière remarque et enchaîna :
— Je crois qu’il aime les petits, les moyens et les gros. Surtout les gros, les énormes qui
pèsent lourd, tu vois…
— Tu es au courant que par avion-cargo, ton carton avec le chien va avoir une drôle d’odeur au déballage.
Agnès fuma des naseaux :
— Je le sais bien. Je me disais que je pourrais lui envoyer une carte par mail, tu sais celles qui sont animées. Je peux lui en trouver une avec un chien qui danse.
Son regard plein d’espoir s’éteignit devant la mine affligée d’Annette :
— Pathétique. Je t’interdis d’envoyer ce genre de carte.
— Tu n’avais pas aimé celle avec les chatons ? Elle était super mignonne !
— Je t’avoue ne pas l’avoir ouverte. Direct dans ma poubelle de mail. Toss. Enchaîne. Quoi d’autre pour ton dinosaure ?
Agnès se mit à faire les cent pas dans le salon, sous l’œil dépité de Flipper :
— Il adore les pandas ! Tu vois, un bébé panda, ce serait trop mignon comme cadeau, mais je crois que c’est illégal, et j’ai cherché sur Internet et c’est vraiment pas facile à trouver. Même en Chine ! Et puis, dans un appartement, un panda, c’est carrément l’horreur. Et en plus, ça mange des kilomètres de feuilles. J’ai réfléchi un peu à l’affaire : planter du bambou c’est facile, et puis ça s’étend cette saloperie, donc tu as très vite une forêt. C’est le choléra des jardins, ce truc. Il aurait de quoi manger. Mais que ferait mon cher Nabu d’une forêt de bambous sans panda ?
Annette la regardait, stupéfaite :
— Tu te rends compte que tu déblatères et qu’on n’avance pas.
Agnès grimaça et hocha la tête :
— Tu as raison. Concentration.
— Alors, quoi d’autre ?
— Il adore manger. Mais tout ce que je pourrais envoyer se faisandera. Comme le chien.
— Tu peux envoyer des bonbons ?
Agnès sourit :
— Quelle bonne idée !
Puis, de nouveau sombre :
— Mais ça file des caries et ça fait grossir…
Annette soupira. Elle avait envie de prendre une douche et de se détendre avec une bonne playlist de death metal.
— Pas facile ton histoire de Nabu…
— C’est que j’ai la pression, j’ai vraiment envie de lui faire plaisir. C’est pas un cadeau pour rire, ou pour me moquer de lui…
— Effectivement, ça doit te changer. Il fait quoi dans la vie ?
— Oh, il est dans le recyclage d’identité. Il fait un peu de tout en fait.
— Je dois m’inquiéter ?
— Non…
— Et sinon, il aime quoi ?
— Il aime tout je pense. Les belles choses surtout, les belles femmes, les belles photos, les
belles histoires, les belles musiques… C’est difficile de faire des cadeaux aux gens parce que ce qui est beau, c’est subjectif. Parce que pour moi, parfois, ce qui est beau c’est aussi torturé…
— Comme toi…, mais du coup, tu pourrais lui offrir un tableau, un dessin, une playlist, un
livre sympa…
— Ah oui, une playlist ou un livre, ça peut être bien !
Agnès se rassit près de sa sœur. Elle resta silencieuse, élaborant déjà une suite parfaite de chansons douces pour Nabu. Annette termina le pot de glace et le posa sur la table basse.
— Bon, alors c’est bien, on a trouvé ton cadeau. Je vais pouvoir aller à la douche.
Elle se leva mais Agnès la retint par le bras :
— Tu sais pour le livre, il adore les contes.
— Oh, eh bien voilà. Offre-lui un recueil de contes.
— Ou mieux. Je pourrais lui en écrire un.
Silence. Annette hocha la tête avant de répondre :
— C’est une merveilleuse idée…
Annette lui fit un clin d’œil et quitta le salon, Flipper sur les talons.
Agnès tendit le bras et attrapa son ordinateur, pleine d’entrain. Quel superbe cadeau d’offrir un conte !
Elle se cala dans le canapé et ouvrit une page blanche. Puis, elle commença à écrire.
*
Elle relut la dernière phrase qu’elle venait de taper et imagina la suite de cette histoire, les aventures au cœur des profondeurs, la recherche de ce dieu… et les créatures magiques, la cité qui s’éteignait peu à peu.
Elle avait envie d’écrire les aventures de Loup mais ce n’était pas vraiment le moment.
— J’écrirai ce livre. Mais pas de suite.
Elle rédigea une dernière phrase de conclusion et soulagée reposa son ordinateur sur la table basse du salon.
Voilà, c’était fait. Elle n’avait plus qu’une envie, enfiler son maillot de bains et plonger dans sa piscine.
Elle quitta rapidement le salon.
Milk le chat releva la tête et la suivit des yeux. Il se redressa, fit le dos rond, s’étira de tout son long, bailla et tranquillement sauta du fauteuil à la table basse.
Voyons, voyons… que faisait la petite maîtresse depuis tout à l’heure ? Il sentait le cœur d’Agnès perturbé de vouloir bien faire. Qui était dans le cœur de sa maîtresse ? Qui osait y prendre place ?
Il jeta un coup d’œil à Ariel, le gros matou de Lucianne qui digérait encore le merle du goûter.
Bien… il était tranquille.
Il fixa sur l’écran les quelques lettres finales, s’imprégnant de leur vibration. Des vibrations qu’il jalousait.
“Bel anniversaire plein de douceur mon cher Nabuchodonosor”
Nabu… qui ?
Milk feula. Il était hors de question de rentrer en compétition avec un dinosaure pour être number one dans le cœur de sa maîtresse.
Sans vergogne, il appuya sur les touches CtrlA et Suppr effaçant ainsi le travail d’Agnès (qui bien évidemment n’avait pas sauvegardé – erreur d’auteure débutante) et repartit se coucher.
Méfait accompli.
*
Agnès qui faisait la planche dans sa piscine laissait son regard se perdre dans le ciel azur, bien ignorante du machiavélisme de son chat et de la future soirée d’écriture qu’elle devrait passer.
Elle ferma les yeux, heureuse. Quel merveilleux cadeau cette vie…
Elle sourit et murmura : Bel anniversaire plein de douceur mon cher Nabuchodonosor…
*
Pour retrouver ma série sur Amazon, c’est par ici : Chroniques d’une princesse machiavélique.
Merci pour ce chapitre inédit !!
Ça nous aide à attendre le tome 5 !
Je vais en écrire d’autres 😊😊