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AUJOURD’HUI c’est la journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal, et je viens à peine d’écrire ces mots que déjà mes yeux s’embuent de larmes.
Je ne sais pas ce que donnera cet article, je vais vous livrer mes pensées comme elles viennent.
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Cette nuit je n’ai pas réussi à m’endormir avant deux heures du matin. Je pensais à cette journée, à ce qu’elle représentait, à l’article que je devrais partager avec vous. Dans la nuit, alors que les petits dormaient, déjà, je me suis mise à pleurer.
J’ai repensé à mon interruption médicale de grossesse, au silence autour de moi, à cette erreur de la nature qui a pris ma fille aînée, j’ai repensé aux cris des bébés qui naissaient dans les salles d’accouchement voisines de la mienne (la numéro 1) et moi je savais que je portais un bébé mort dans mon ventre, et je trouvais cela trop injuste. Trop injuste parce que j’étais une personne bien, généreuse, gentille avec tout le monde, serviable… pourquoi cela m’arrivait à moi? Pourquoi? Pourquoi alors que je n’attendais pas ce bébé, on me l’avait donné pour si vite me le reprendre et d’une manière si brutale ? C’était impossible d’articuler mes pensées à ce moment-là pendant que j’attendais que la péridurale fasse effet, mais je savais qu’il y avait une raison à cette injustice. Il fallait qu’il y en ait une, sinon j’allais devenir folle.
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Il y a quelque chose d’indicible dans cette douleur, et pourtant, lorsque j’ai subi mon IMG, j’ai su qu’il me faudrait poser les mots sur la peine, sur le manque, sur l’absence, pour trouver une explication cosmique à cette épreuve, et peut-être aussi un chemin de guérison.
Si vous me suivez sur ce blog, vous savez que j’ai écrit avec mes tripes mon roman sur le deuil périnatal, Poussières de toi. Je ne vais pas vous en reparler. Du moins, je ne vais pas refaire l’histoire ou le chemin d’Alice. Je vais vous donner ma version non romancée, personnelle de ce que j’ai traversé, et au-delà de moi, de ce que chaque femme traverse en perdant un enfant.
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Tout d’abord, la première chose qui me vient à l’esprit, comme mot, comme émotion, ou bien comme absence de mot ou d’émotion c’est : le vide.
Le vide. Il n’y a rien d’autre qu’un immense vide entourant chaque mère qui perd son bébé. Et il y a tellement de vides différents qu’ils s’entrechoquent les uns les autres… Mais ça ne fait pas de bruit, et ce silence là, il est terrible. Vraiment, terrible.
On erre, là, sur Terre, avec ce vide en nous, et personne ne nous voit, personne ne nous comprend, personne ne réalise ce que l’on a vécu. Nous autres mamans sans enfants, on est juste seules, comme perdues dans les limbes et personne n’entend notre voix, notre souffrance. Personne ne la prend en considération.
Il y a d’abord le vide de ce corps sans rien. Le bébé est parti. Il n’y aura pas de vie, pas de naissance.
Puis, c’est le vide de l’esprit, parce que les pensées magnifiques de se voir serrant notre bébé sur notre sein ont disparu aussi.
Et enfin, le vide des mots, parce qu’il n’y a pas de mots, rien n’est assez fort.
Il ne reste que le néant après cette perte. Et non, je n’exagère pas.
Il ne reste que le néant et cette solitude immense, infinie, glacée.
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Lorsque j’ai perdu mon bébé, j’ai eu l’impression d’avoir été catapultée dans l’espace. En apesanteur, flottant au dessus du monde, pas de sons, loin de tout, une infinie douleur, l’obscurité malgré les étoiles. Il n’y avait plus rien que ce vide.
C’était pour moi d’autant plus étrange de ressentir tout cela que ce bébé était arrivé par surprise, sans qu’on s’y attende.
Je n’étais pas prête. J’étais terrorisée. Je travaillais à mi-temps, la maison était encore en travaux, on n’était pas vraiment stables financièrement… c’était le plus mauvais moment pour tomber enceinte.
Et puis, l’idée a fait son chemin. Un bébé… après tout, pourquoi pas… Un bébé ! Mais oui, évidemment ! L’idée a pris corps et nous a comblés de belles images.
Et comme ça, on a vu la lumière, l’espoir, une famille, la joie. Et l’espace d’un bref instant dans l’univers, on a été heureux.
Et puis, ensuite tout s’est enchaîné, l’échographie, les malformations, les entretiens, les examens, jusqu’à l’opération.
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Par la suite, j’ai tout fermé en moi pour avancer, pour ne pas y penser, je ne voulais plus jamais avoir d’enfant. Je me suis fait un tatouage pour me rappeler que j’avais été forte, j’ai pris des cours de danse pour me réconcilier avec mon corps dont il fallait oublier qu’il venait d’être déserté. Et j’ai réussi à tenir avec ces pensées. Pas longtemps.
J’avais l’impression d’avoir un immense trou. Je n’ai pas d’autre mot, c’est ainsi que je le visualise, un trou au milieu de la poitrine, on pouvait désormais voir à travers moi. Il me manquait un bout, un bout de cœur, un bout de vie et je ne savais pas où le retrouver, où le reconquérir.
Le vide a très vite fait place à un immense manque. L’image de la famille que j’avais imaginée m’avait été volée, et rien ne pouvait désormais la remplacer dans mon esprit. C’était tellement ironique. Ce bébé que je n’avais pas prévu avait complètement changé ma perception du monde. Je ne pouvais imaginer revenir à ma vie d’avant. Ce n’était plus possible.
Et ce manque m’appelait, terriblement. Tout le temps.
Chaque jour qui passait m’éloignait de la perte, mais me rapprochait de la date de fin de grossesse initialement prévue. Et rien ne se passait. Rien ne se passerait plus. Le manque était violent quand je croisais une mère avec son bébé. Et moi je la regardais, et je me disais que oui, ça devait être bien d’avoir un bébé… et dans le visage du bébé j’essayais de voir le visage du mien, tel qu’il aurait dû être.
Le manque était aussi en moi quand je voyais mon ventre plat et plus rien qui ne poussait à l’intérieur telle une graine de vie prenant toute la place petit à petit dans mon cœur et mes pensées. J’avais porté un bébé, une petite fille mais d’elle, il ne restait rien. Un petit corps mort, une terre sèche, abandonnée, un minuscule tas de cendres.
Malgré tout, je n’avais pas encore mal à ce moment-là, j’étais anesthésiée, sous le choc de ce qui venait de m’arriver. J’observais cette épreuve, ses répercussions, et tout ce que je pensais en me mettant à distance, comme en séparant mon esprit. Mais il me fallait avancer, il me fallait trouver un moyen de remplir ce trou béant dans ma poitrine.
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Alors j’ai décidé d’avoir un autre bébé. C’était une décision désespérée. Et c’est là, la tragédie de nous autres mamanges. Quoi que l’on fasse, après avoir perdu un bébé, les nuages seront toujours là. Il n’y aura plus de légèreté, plus de ciel totalement bleu, plus de soleil éblouissant. Tout, tout, tout est teinté, avec un voile impossible à soulever. Il y a des jours où le voile est moins opaque, mais en vérité il sera présent jusqu’à la fin de nos jours.
Quand beaucoup de couples décident de fonder une famille, ils le font par amour, par bonheur, par délice. Pour moi, c’était pour combler le manque, trouver une solution à ce vide qui m’anéantissait.
Et je n’ai pas vécu ma deuxième grossesse en faisant des plans pour la chambre du bébé, ou en regardant sur Internet quels habits acheter. L’idée de perdre mon bébé ne m’a pas quittée durant 9 mois. J’étais pétrie d’angoisse. Ce bébé que j’avais tant voulu pour me remplir, je ne pouvais lui accorder de l’attention ou de l’amour, parce que j’avais trop peur que l’on m’annonce que cet enfant aussi ne verrait pas le jour.
Je ne regardais pas mon ventre grossir, je n’ai acheté mes premiers habits de maternité qu’à six mois de grossesse, je travaillais, je courrais à droite à gauche, j’essayais de ne pas penser à ce bébé. J’avais trop peur de m’attacher.
C’est aussi cela qu’il faut comprendre dans tout ce qui entoure le deuil périnatal. Aucune grossesse consécutive ne peut-être vécue comme si tout allait aller pour le mieux. Cette angoisse de la perte est toujours présente.
Arthur est arrivé et évidemment, comme j’avais passé 9 mois à ne pas faire attention à lui, quand on l’a posé sur mon ventre, je ne l’ai pas reconnu. Je n’ai pas réussi à l’aimer tout de suite. J’étais pétrifiée. Pétrifiée de l’aimer et de le perdre.
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Cette peur a duré quinze jours. Quinze jours jusqu’à ce rêve que j’ai fait. Un rêve terrible où, dans un village assailli par des militaires, je devais abandonner mon bébé pour le protéger. Je me suis réveillée en sanglots dans le lit. C’était le petit matin, j’étais seule dans la chambre. Il n’y avait qu’Arthur qui dormait encore dans son petit berceau. Un immense soulagement, une vague d’amour et de souffrance m’a alors frappée violemment. J’ai bondi hors du lit, et j’ai pris Arthur dans mes bras et j’ai pleuré, pleuré, pleuré toutes les larmes de mon corps, de soulagement de le serrer dans mes bras, qu’il soit contre moi et bien vivant, et de culpabilité aussi parce que ce bébé, mon petit Arthur je ne l’avais pas aimé comme les autres mamans qui n’ont pas vécu la perte doivent aimer leur bébé. Je n’avais pas fait mon deuil de ma petite fille, je ne pouvais pas aimer mon petit garçon.
Et c’est là, que j’ai commencé à avoir mal. Très mal, infiniment mal, juste en tenant mon fils vivant dans mes bras, son petit corps chaud contre moi. C’est là que j’ai pris conscience, en chair et en os de tout ce que j’avais perdu. Perdu à tout jamais. C’est venu me frapper. Et ce mal ne m’a plus quittée. Et je sais qu’il ne me quittera jamais.
Régulièrement, Alicia, ma fille partie en 2011 vient me visiter en rêve. Dans mes rêves, elle grandit. Avant je la voyais bébé, puis petite fille. La dernière fois que je l’ai vue, elle devait avoir 8 ans, et il manquait des dents dans son sourire.
Pas un jour ne passe sans que je pense à elle. Pas un. Je vous le jure. Et ce n’est pas parce que je veux me faire du mal, ou parce que je suis sensible, c’est juste que cette perte, cette absence est une présence impossible à oublier. Elle fait partie de moi.
Le deuil périnatal est plus qu’un deuil, c’est un cataclysme dans la vie, c’est un bout de nous (littéralement), un bout de notre âme qui part, et qui ne revient jamais. Et cela m’est arrivé à moi, mais une femme sur quatre traverse cette épreuve. Il s’agit de vos sœurs, de vos tantes, de vos cousines, de vos filles, nièces, amies…
Elles ont besoin de votre soutien, même si elles ne peuvent pas en parler parce que c’est trop dur, c’est important de briser le silence, et de montrer que lorsqu’elles seront prêtes à poser les mots, vous serez là pour les entendre. Une petite question est suffisante: “Comment te sens-tu?” fait l’affaire pour beaucoup d’entre nous, cela montre que vous reconnaissez que nos bébés ont existés, et c’est déjà un grand réconfort.
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Pour terminer, je vous laisse avec cette discussion que j’ai eue avec Arthur, il y a trois ans un jour où il faisait de la balançoire, discussion que je me suis empressée d’écrire dans un carnet et que j’ai retrouvée en avril dernier. C’est cet échange que j’ai choisi pour clôturer la traduction en anglais de Poussières de toi.
“Tu peux me pousser haut, Maman ?
—Haut dans le ciel ?
—Oui.
—Tu veux dire bonjour aux nuages?
—Aux nuages et aux enfants.
J’ai pâli et j’ai demandé d’une voix blanche:
—Tu penses qu’il y a des enfants dans les nuages ?
Silence. Et il a approuvé en regardant le ciel.
⭐️⭐️⭐️
🙏🏼 Merci d’avoir lu cet article 🙏🏼
With love,
Lily 💗