Vie d’auteure : Des fusils et des roses

Vie d’auteure : Des fusils et des roses

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Parce que vraiment… il faut que je vous parle de cette passion.

Demain, mardi 26 juin, je serai à Bordeaux pour voir le concert des Guns n’ Roses. Trop d’émotion. Je ne sais pas par où commencer.

Alors, je vais vous livrer des images en vrac, en chaos.

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La première qui me vient est celle de ma mère, assise près de moi, un soir, dans ma chambre à la tapisserie encore verte. Je suis allongée dans mon lit de princesse, je dois avoir 14 ans. Nous parlons de tout et de rien, de bêtises certainement. Et puis, elle se tait et son regard fixe le poster épinglé sur le mur en face d’elle.

Il sont cinq musiciens échevelés aux airs patibulaires. Je la regarde et j’attends la réflexion, craignant un peu en mon fort intérieur sa désapprobation… qui ne tarde pas à venir :

— Comment peux-tu dormir avec ces “affreux” en face de ton lit ?

Je ne réponds pas et contiens un sourire. Si elle savait…

Si elle savait comme ils me font du bien ces “affreux”.

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Autre image, j’ai onze ans. Nous sommes avec mes sœurs dans le salon, nous découvrons la vidéo du concert des Guns n’ roses au Tokyo Dome. Je suis soufflée, ébahie par cette musique qui me porte avec tant de force. Je suis la petite fille modèle, celle qui a les cheveux longs et qui joue du violon, et pourtant je bous à l’intérieur, je hurle, j’ai envie d’exploser et cette musique et Axl Rose qui enrage sur la scène représente parfaitement ce qui se passe au fond de moi. Je tombe amoureuse de leur passion, de leurs mélodies, de leur rage et de leur sueur, de leur histoire. Et depuis tout ce temps, les fusils et les roses ne m’ont pas quittée.

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Cette belle histoire d’amour a commencé au collège grâce à un crush que ma sœur avait pour un garçon super chouette et très populaire. Il est vrai que Nicolas était particulièrement beau avec des cheveux châtains qui tombaient sur des yeux verts magnifiques. Il avait en plus la qualité d’être plus âgé puisqu’il redoublait sa troisième et cela lui conférait une sorte de prestance et de pouvoir que nul autre garçon ne pouvait égaler.

Et puis, il avait un surnom. Un surnom de rock-star. On l’appelait Slash parce qu’il était fan des Guns n’ Roses, et plus particulièrement du guitariste mythique. Agathe était dans sa classe. Moi, j’étais en sixième, toute recroquevillée, fascinée par ces géants de quatorze ans. Agathe pour se rapprocher de Slash s’intéressa donc à ce groupe étrange. Nous étions en 1994. Un ami (un jour je vous en parlerai de cet ami, il a eu une grande importance dans ma vie, malgré son court passage sur Terre) lui a alors prêté sa cassette  vidéo du concert des Guns à Tokyo en 1992.

Le samedi soir suivant, nos parents étaient invités chez des amis, et en cachette bien sûr, nous avons regardé le concert. Romane la benjamine avait 8 ans.

C’est à partir de ce moment qu’Axl Rose et sa bande se sont installés dans ma tête pour ne plus s’en déloger.

Habitant dans une petite ville sans magasins permettant de faire du shopping musical, et surtout sans argent de poche, j’ai dû patienter deux longues années avant de pouvoir profiter d’un voyage scolaire en Espagne pour acheter le premier album Apetite for destruction. Nous avions copié les compacts disques (toujours en cachette – le rock était assez mal vu à la maison) empruntés aux amis d’Agathe sur des cassettes que nous écoutions sur le seul poste que nous avions. Dans le bureau de tabac à l’angle de la rue, j’avais réussi à trouver un magasine avec toutes les paroles de chansons des Guns que je me suis mise à traduire, ma professeure d’anglais prenant pour elle les progrès fulgurants que je faisais (pfff… si seulement, elle savait à quel point Brian is in the kitchen ne motive pas les enfants à apprendre une langue).

Mais ma ville ressemblait à un désert d’informations musicales. La seule chose que je pouvais faire à l’époque était attendre et grandir. Je faisais donc avec le peu que j’avais, lisant et relisant mes articles et apprenant par cœur les chansons.

Et puis deux années encore plus tard nous avons eu accès à Internet. Halleluia… c’était enfin l’ouverture sur un monde infini. Seul problème nous n’avions que 6 heures d’Internet par mois (à l’époque c’était AOL, avec un modem qui grinçait…) et notre père surveillait de très près notre consommation. Et puis, bien entendu, l’ordinateur était dans son bureau, et il était hors de question de regarder des photos ou bien de lire des interview avec lui dans les parages. Donc, de nouveau en cachette – et en stress – j’ai imprimé les centaines d’interview que j’ai pu trouver sur le groupe (je ne sais plus comment j’expliquais à mon père les cartouches de l’imprimante toujours en rade). Je remontais dans ma chambre et avec mon dico (très vite, je n’en ai plus eu besoin) je plongeais dans le monde merveilleusement rock, sombre, transpirant et authentique de mes rock-stars préférées. J’ai tout appris de leur enfance, de leur parcours, j’ai envié leur liberté et leur folie. S’enfuir, quitter leur famille et le peu qu’ils avaient pour partir à la recherche de leur rêve de musicien en herbe. S’enfuir et partir à Los Angeles, se rencontrer et créer le groupe le plus dangereux de tous les temps.

J’étais fascinée, sous le charme et en compilant articles et biographies, paroles de chansons et interview, je décidais un jour d’écrire la biographie des Guns n’ Roses (projet abandonné depuis, j’écrirai celle d’Axl Rose 😉 )

Grande frustration dans mon monde qui s’élargissait vers l’Ouest, il était encore impossible de regarder des vidéos sur Internet car les fichiers trop lourds ne chargeaient pas. Mais j’ai serré les dents, espérant que le progrès me rattrape rapidement.

Lorsque je suis partie à Bordeaux pour faire mes études, j’ai enfin pu m’acheter les cassettes vidéos des concerts des Guns que je souhaitais. Je les ai payées avec le tout premier chèque, de mon tout premier chéquier.

A ce moment-là, Axl avait 40 ans, et le groupe était séparé avec aucune perspective de réunion. Je restais nostalgique et triste de me dire que jamais je n’entendrais en live la voix d’Axl Rose ou le solo de Slash sur le thème du Parrain…

Pour contrer la fatalité, Axl m’avait déjà inspirée énormément. Vous vous rappelez Alex Stevenson, le mari de Fleur dans les Chroniques d’une princesse machiavélique ? Eh bien son personnage de professeur de lettre – rockeur la nuit est directement inspiré d’Axl Rose. Et je ne compte plus le nombre de chapitres écrits sur le magnifique morceau joué au piano en concert par Axl, en introduction à November Rain.

 

Puis les choses se sont mises à bouger lentement jusqu’à la sortie de l’album Chinese Democracy en 2008, suivie d’une tournée internationale avec Axl Rose et un nouveau groupe. Je ne vais pas parler de l’album que j’ai acheté mais que je n’écoute pas vraiment. Trop attendu, trop différent… il manquait quelque chose.

Je suis allée tout de même voir le concert à Toulouse en 2012 (cf. la photo de cet article). Même si Slash et Duff, Izzy et Steven n’étaient pas de la partie, je devais cela à l’adolescente impatiente et totalement fan que j’avais été. Ce fut un grand moment parce que je me suis retrouvée face à la scène, à quelques mètres des musiciens. Tout près d’Axl, de Bumblefoot et DJ Ashba. J’ai chanté, hurlé, dansé sur les chansons, et je suis sortie ravie, parce que je me disais qu’une fois dans ma vie, alors que cela semblait mort et enterré lorsque j’étais au collège, je venais d’entendre mes chansons préférées en live.

Le riff de Welcome to the jungle, les mélodies de Don’t cry et November rain, la folie de Paradise City… en live, c’était du bonheur.

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Festival Coachella – Avril 2016

J’ai hurlé sur mon canapé (je crois que les petits étaient pourtant à la sieste) lorsque j’ai vu passer sur mon téléphone (oh merveille de la technologie d’avoir Internet sur le portable et de regarder autant de vidéos que je veux !) qu’Axl, Slash et Duff reformaient les Guns n’ Roses pour un concert lors de ce grand festival. J’ai envoyé aussitôt la nouvelle à mes sœurs avec des milliards de smileys et de points d’exclamations.

Ce n’était pas possible ! Après avoir pensé pendant 24 ans de ma vie que jamais ces trois musiciens rejoueraient ensemble, que jamais je ne les verrais sur scène, je venais de lire le contraire. Là, c’était en train de se faire. Et en plus, on parlait d’une tournée internationale.

Et les dates de la tournée sont tombées et j’ai halluciné. Qu’ils passent à Paris c’était évident, mais qu’ils viennent à Bordeaux, dans ma ville !!!

C’est… c’est… c’est… fou ! Trépidant, bluffant, complètement dingue !

Merci l’univers, c’est un moment magique dans ma vie, et je repense à cette petite fille de onze ans pétrifiée par la voix d’Axl et l’énergie des chansons qui s’enchaînent plus vibrantes les une que les autres, je repense à ces 23 années passées à lui souhaiter dans ma tête un joyeux anniversaire le 6 février, aux morceaux de chansons recopiées qui parsèment mes agendas, à mon rêve de voyage vers la Californie pour visiter entre autre le Roxy et le Whisky a gogo, premiers clubs ayant reçu le groupe en 1986… à toute leur histoire qui fait partie de la mienne et dont ils n’ont aucune idée. Evidemment que j’ai pris le billet ! Je me devais d’y assister.

C’est magnifique, c’est un merveilleux cadeau de la vie que je fais à la fan que j’étais adolescente, désespérée de lire une ligne dans les magasines concernant son groupe favori séparé et enterré.

Pour toutes les heures passées à lire leurs interviews et leurs histoires, toutes les journées passées (qui doivent se compter en années) à écouter leur musique, je peux vous assurer que demain je vais profiter et arracher à la vie ce moment d’éternité.

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